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Tristan_INpact

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INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

1. LE BRUNISSEMENT ENZYMATIQUE.

Sous ce terme se regroupent les phénomènes concernant l'apparition de colorations brunes consécutives à des altérations des fruits ou légumes, à la suite de traitements mécaniques (récolte, manutention lors du transport et du stockage, pelage, découpe) ou technologiques (conservation au froid, congélation-décongélation, irradiation), ou encore naturels (infection fongique). Le brunissement enzymatique est dû à une oxydation, catalysée par les polyphénoloxydases, des composés phénoliques endogènes par l'oxygène moléculaire où les premiers produits de réaction sont les quinones. Les peroxydases sont également capables de catalyser la réaction, mais à un degré moindre. Les quinones se condensent ensuite rapidement pour former des polymères bruns ou noirs de haute masse moléculaire. Ces phénomènes n'apparaissent cependant qu'après une décompartimentation cellulaire, permettant alors la mise en contact du substrat phénolique (vacuolaire) et du système enzymatique (lié aux membranes plastidiales).

1.1. CARACTERES GENERAUX DES POLYPHENOLOXYDASES.

1.1.1. Définition.

Les polyphénoloxydases appartiennent au groupe des oxydoréductases à deux atomes de cuivre. Elles catalysent l'oxydation des composés phénoliques en présence d'oxygène moléculaire (figure 1). Désignée originellement sous le code EC 1.14.18.1 par la Commission Internationale sur les Enzymes, cette classe d'enzymes est divisée depuis peu en deux sous-groupes avec, comme critère de différenciation, la spécificité vis-à-vis des substrats phénoliques (WALKER et FERRAR, 1998).

- Les laccases (EC 1.10.3.2) catalysent l'oxydation aussi bien d'o- que de p-diphénols. Les laccases sont secrétées en abondance par les champignons au cours de leur croissance (PERRY et al., 1993). Cette activité est absente chez les fruits et légumes, bien qu'elle ait été détectée chez la pêche (HAREL et al., 1970) et l'abricot (DIJKSTRA et WALKER, 1991), vraisemblablement suite à une contamination bactérienne.

- On attribue deux types d'activités aux catécholoxydases. L'activité crésolasique, renommée monophénol monoxygénase (EC 1.14.18.1), est capable d'hydroxyler les monophénols en o-diphénols qui sont alors oxydés en o-quinones. L'activité crésolasique est depuis longtemps connue chez les champignons (VAROQUAUX, 1978), mais a été détectée plus récemment chez la pomme de terre, la pêche, le raisin, la pomme, l'avocat ou la salade (NICOLAS et al., 1994 ; ESPIN et al., 1995 et 1997). Cette activité est souvent perdue au cours de la purification de l'enzyme. L'activité catécholase (EC 1.10.3.1) catalyse l'oxydation d'o-diphénols en o-quinones.

Figure 1 : Schéma des différentes réactions catalysées par les polyphénoloxydases.

MATHEW et PARPIA (1971) et NICOLAS et al. (1994) donnent à l'activité catécholasique le rôle prédominant dans le brunissement enzymatique des fruits et légumes, la plupart des substrats naturels étant des o-diphénols. Dans un souci de simplification, nous utiliserons tout au long de notre exposé la dénomination polyphénoloxydase (PPO) pour l'activité catécholase extraite des végétaux, et la dénomination tyrosinase pour les polyphénoloxydases d'origine fongique qui portent les activités crésolasiques et catécholasiques (VAROQUAUX, 1978).

1.1.2. Etudes structurales.

Les données concernant la taille des polyphénoloxydases sont anciennes et nombreuses, mais elles restent parfois contradictoires du fait de conditions d'extraction diverses (SMITH et MONTGOMERY, 1985). Les masses moléculaires apparentes des polyphénoloxydases, déterminées généralement par des techniques de chromatographie d'exclusion ou d'électrophorèse dénaturante, sont comprises entre 12 et 400 kDa (ZAWISTOWSKI et al., 1991). Ces différences de taille s'expliquent notamment par l'existence de formes polymériques de l'enzyme, pouvant aller du monomère, comme ceci est le cas pour la PPO des graines de tournesol (RAYMOND et al., 1993), à la forme tétramérique comme ceci est le cas pour la tyrosinase de champignon (STROTHKAMP et al., 1976). Les auteurs s'accordent pour donner une masse moléculaire apparente voisine de 40 à 45 kDa pour les formes monomériques.

FUJITA et al. (1991) ont estimé la masse moléculaire apparente des PPO de salade à 56 kDa. Depuis lors, plusieurs formes de PPO isolées de salade, réparties inégalement selon les tissus, ont été caractérisées. La laitue renferme majoritairement des formes tétramériques ayant une masse moléculaire allant de 136 à 150 kDa ainsi que des formes monomériques minoritaires (40 et 46 kDa) présentes uniquement dans les tissus vascularisés (HEIMDAL et al., 1994). Les feuilles de scarole contiennent principalement une forme tétramérique de 120 kDa et une forme monomérique de 42 kDa (GOUPY et al., 1994). La masse moléculaire apparente des formes actives des PPO d'abricot varie de 60 à 63 kDa d'une variété à l'autre (FRAIGNIER et al., 1995 ; CHEVALIER et al., 1999). Dans le cas de la pomme, les auteurs distinguent généralement deux formes actives de PPO. La première a une masse moléculaire apparente comprise entre 42 et 46 kDa selon les variétés (GOODENOUGH et al., 1983 ; JANOVITZ-KLAPP et al., 1989 ; MARQUES et al,. 1995a et b).

La deuxième forme active signalée a une masse moléculaire apparente comprise entre 23 et 27 kDa. Cette dernière forme serait le résultat d'une protéolyse partielle de la forme mature.

Les points isoélectriques des PPO des quatre espèces qui feront l'objet de notre étude (abricot, pomme, scarole et champignon de Paris) ont été déterminés par isoélectrofocalisation sur gel de polyacrylamide ou en veine liquide. Les pommes de variété Red Delicious présentent deux isoformes majeures de pHi 4,8 et 5 et une isoforme mineure de pHi 6,5 (JANOVITZ-KLAPP, 1989). Dans le cas de la scarole, deux isoformes majeures de 120 kDa ont des pHi de 4,5 et 5,5. Une troisième forme (46 kDa) a un pHi de 8 (GOUPY et al., 1994). Chez l'abricot, quatre isoformes ont été mises en évidence au laboratoire ; une majeure ayant un pHi de 4,6 et trois mineures de pHi 3,8, 4,3 et 4,9 (CHEVALIER et al., 1999). Enfin, de nombreux auteurs ont mis en évidence deux isoformes pour la tyrosinase de champignon, ayant des pHi de 4,5 et 5,5 (MOORE et FLURKEY, 1988 ; FLURKEY, 1991 ; GERRISTEN et al., 1994).

Figure 2 : Domaines des polyphénoloxydases des végétaux supérieurs et des tyrosinases de champignons. Leur structure est déduite des séquences des ADN complémentaires (d'après VAN GELDER et al., 1997).

Au cours de ces dix dernières années, la mise en oeuvre de techniques de biologie moléculaire associées à des analyses cristallographiques a permis de préciser les informations sur la structure des PPO. La structure primaire de l'enzyme peut être déduite de la séquence de l'ARN messager codant pour l'enzyme. Si les séquences d'ADN complémentaires des PPO de feuilles de végétaux, tels que les feuilles de haricot (CARY et al., 1992), de tomate (SHAHAR et al., 1992) et de tubercule de pomme de terre (HUNT et al., 1993) sont connues, peu d'études ont été réalisées sur les PPO de fruits. A ce jour, seuls les ADN complémentaires de PPO de raisin (DRY et ROBINSON, 1994), de pomme (BOSS et al., 1995 ; MURATA, 1997) et d'abricot (CHEVALIER et al., 1999) ont été clonés. L'ADN complémentaire de la tyrosinase d'Agaricus bisporus a été cloné dès 1995 par WICHERS et al. Ainsi, les auteurs ont observé que le nombre d'acides aminés des formes monomériques des PPO matures variait de 360 (haricot) à 496 (abricot), 569 (champignon de Paris) et 593 résidus (pomme). Les domaines structuraux de polyphénoloxydases des végétaux supérieurs et fongiques sont schématisés figure 2. Les séquences présentent trois domaines chez les végétaux supérieurs (deux chez les champignons) ayant un degré d'homologie plus ou moins élevé entre espèces (VAN GELDER et al., 1997).

Le premier domaine se trouve dans la région N-terminale des PPO de végétaux supérieurs ; il correspond à un peptide de transit (MURATA, 1997 ; CHEVALIER et al., 1999). Ce peptide, de 87 à 247 acides aminés selon les espèces, permettrait de diriger la PPO immature vers les thylachoïdes. Généralement, ce domaine contient trois régions. La première est constituée d'une séquence riche en groupements hydroxyles qui interviendrait directement dans les mécanismes liés au transit. Suit une région riche en résidus cystéine, dont le rôle est encore indéterminé. La troisième région, riche en résidus portant des chaînes latérales hydrophobes permet de diriger la PPO immature vers le lumen des thylachoïdes. Récemment, KOUSSEVITZKY et al. (1999) ont identifié chez le pois une métalloendopeptidase spécifique des polyphénoloxydases, appartenant à la famille des peptidases spécifiques du thylachoïde (stromal processing peptidase, SPP). Cette protéase, responsable de l'excision du domaine N-terminal des PPO, serait directement impliquée dans les phénomènes de translocation in vivo de la PPO dans les chloroplastes.

Le domaine central des PPO est séparé du peptide de transit par une séquence de clivage reconnue par certaines protéases végétales. Ce domaine contient les deux sites de fixation des atomes de cuivre, et correspond aux PPO matures. Les deux séquences de fixation du cuivre sont très conservées entre les PPO des végétaux supérieurs et les tyrosinases, mais aussi chez toutes les espèces procaryotes et eucaryotes étudiées (DECKER et TERWILLIGER, 2000). Selon les hypothèses de VAN GELDER et al. (1997), la partie C-terminale du domaine central contiendrait une séquence d'arrimage à la membrane du thylachoïde ou trans-membranaire.

Figure 3 : Représentation « en ruban » de la polyphénoloxydase de tubercule de pomme de terre obtenue par cristallographie aux rayons X (d'après EICKEN et al., 1999). Les atomes sont colorés en gris pour le carbone, bleu pour l'azote, jaune pour le soufre, rouge pour l'oxygène et bleu turquoise pour le cuivre.

Figure 3A : Vue de la protéine entière ; deux ponts dissulfures présents dans la région N-terminale de l'enzyme sont représentés en jaune, les feuillets b en orange et les hélices a en bleu.

Figure 3B : site actif de l'enzyme ; chaque atome de cuivre est lié à trois résidus histidines numérotés.

Le domaine C-terminal est séparé du domaine central par un site de clivage sensible à la protéolyse. Ce domaine n'est présent que dans les formes latentes de PPO de haricot, de raisin, de tyrosinase de champignons (VAN GELDER et al., 1997) et vraisemblablement chez la pomme (MARQUES et al., 1995b).

La structure tridimensionnelle de la PPO mature de tubercule de pomme de terre (figure 3A) a été obtenue en complétant la séquence d'acides aminés par une étude de cristallographie aux rayons X (KLABUNDE et al., 1998 ; EICKEN et al., 1999). Cette représentation montre clairement la forme globulaire de cette enzyme de 341 acides aminés et d'une masse totale de 39 kDa. Quatre hélices a ménagent une cavité globalement hydrophobe ouverte vers la surface de l'enzyme, cavité au coeur de laquelle se trouve le site actif. La figure 3B montre clairement que chacun des deux atomes de cuivre est lié par des liaisons covalentes à plusieurs résidus histidines présents sur deux hélices a (MURATA, 1997 ; EICKEN et al., 1999 ; CHEVALIER et al., 1999). Selon KLABUNDE et al. (1998) et EICKEN et al. (1999) les PPO sont composées de deux sous-domaines portant chacun un atome de cuivre et proviendraient de la fusion de deux protéines ancestrales correspondant chacune à un sous-domaine.

Enfin, des analyses en Southern Blot des clones d'ADN complémentaire de PPO de pomme et d'abricot ont révélé que les gènes de PPO appartiendraient à une famille multigénique (MURATA, 1997 ; CHEVALIER et al., 1999).

1.1.3. Mécanisme réactionnel.

Les tyrosinases peuvent se trouver sous trois états fonctionnels différents, représentés figure 4 d'après VAN GELDER et al. (1997). La forme Met représente l'état majoritaire (ou de repos) dans les extraits enzymatiques. Elle est susceptible d'oxyder les diphénols en quinones. Le site actif passe alors sous forme Désoxy dans laquelle les deux atomes de cuivre sont sous forme réduite. Ils deviennent alors capables de fixer l'oxygène moléculaire pour passer sous la forme Oxy. Cette dernière forme peut prendre en charge aussi bien les mono que les o-diphénols. Le passage d'une forme à l'autre entraîne des modifications de la géométrie spatiale des six atomes d'azote des résidus histidine et le rapprochement des deux atomes de cuivre l'un par rapport à l'autre (forme Désoxy). Ces phénomènes sont liés à de légères modifications de la conformation tridimensionnelle de l'enzyme au cours de la catalyse (DELLA LONGA et al., 1996 ; EICKEN et al., 1999).

En ce qui concerne l'activité monophénolasique, l'étape préliminaire à la formation des quinones consiste en l'hydroxylation des monophénols (VANNESTE et ZUBERBÜHLER, 1974). Or la forme Oxy est quasi absente dans les extraits enzymatiques et l'ajout d'un faible pourcentage d'o-diphénols dans le milieu réactionnel est nécessaire pour modifier l'état fonctionnel des PPO et initier la réaction d'hydroxylation (DUCKWORTH et COLEMAN, 1970 ; SANCHEZ-FERRER et al., 1995). Pour accélérer cette étape généralement lente, l'ajout d'agents réducteurs tel que l'acide ascorbique (LAVOLLAY et al., 1975 ; ROS et al., 1993) et le dithiothréitol (NAISH-BYFIELD et al., 1994) est préconisé.

Figure 4 : Interrelations entre les trois états fonctionnels de la tyrosinase (Met, Déoxy et Oxy tyrosinase) d'après VAN GELDER et al. (1997). Les atomes de cuivre sont représentés en bleu, d'oxygène en rouge, d'hydrogène en gris et les azotes des histidines en vert.

Chez les végétaux supérieurs, un mécanisme réactionnel similaire est proposé. Cependant, la forme Oxy semble beaucoup plus instable que dans le cas des tyrosinases, ce qui réduit fortement l'affinité des PPO pour les mono-phénols (EICKEN et al., 1999). Dans tous les cas, l'oxygène se fixe sur l'enzyme avant le phénol-substrat, la réaction se produit donc selon un mécanisme séquentiel ordonné, proposé dès 1981 par WINKLER et al. puis confirmé par JANOVITZ-KLAPPet al. (1989).

1.1.4. Mécanismes de maturation et d'activation des polyphénoloxydases.

Selon de nombreux auteurs, il existe deux types de mécanismes d'activation des PPO totalement indépendants l'un de l'autre ; à savoir, une activation par protéolyse partielle, d'une part, et une activation en présence de détergents, d'autre part. Le premier mécanisme permet de passer d'une forme dite immature à une forme mature de PPO alors que le second mécanisme permet de passer d'une forme inactive à une forme active (FLURKEY, 1986 ; FRAIGNIER et al., 1995 ; VAN GELDER et al., 1997 ; ESPIN et WICHERS, 1999).

L'influence de la protéolyse sur l'activité polyphénoloxydasique a été mise en évidence in vitro. En effet, lors de l'ajout d'inhibiteurs de protéases au cours de l'extraction de PPO végétales, le nombre d'isoformes observées par électrophorèse chute sans altérer l'activité PPO totale (VAN GELDER et al., 1997 ; NOZUE et al., 1999). Dans tous les cas, la protéolyse s'accompagne de l'apparition de formes actives de PPO ayant une masse moléculaire apparente inférieure à celles des formes natives. Dans certains cas, les formes protéolysées de PPO sont actives sur une gamme de pH plus large que les PPO natives (MARQUES et al., 1995b). D'autre part, il est admis que les sites de clivage protéasiques (figure 2) permettent l'excision du domaine C-terminal des PPO. Si les effets de la protéolyse in vitro par la protéinase K et la trypsine sont largement étudiés, les mécanismes de clivage in vivo restent mal connus (KING et FLURKEY, 1987 ; YURKOW et LASKIN, 1989 ; MARQUES et al., 1994 ; FRAIGNIER et al., 1995 ; ESPIN et al., 1999b). En outre, KUWABARA et KATOH (1999) affirment que le site actif de la PPO d'épinard est capable d'autoprotéolyse. Ce mécanisme serait activé par l'ajout, dans les extraits, d'acide ascorbique et d'eau oxygénée et inactivé par l'ajout de catalase.

D'autre part, il existe au moins un mécanisme permettant d'activer les formes dites latentes de polyphénoloxydases. Il a été montré in vitro que l'ajout de détergents anioniques tels que le dodécyl sulfate de sodium (SDS) entraînait une forte augmentation de l'activité de certains extraits polyphénoloxydasiques, ce qui suggérait la présence de formes latentes de l'enzyme dans ces extraits (KAHN, 1977 ; FLURKEY, 1986 ; SANCHEZ-FERRER et al., 1989 ; MAYER et HAREL, 1991 ; CHAZARRA et al., 1996 ; GAUILLARD et RICHARD-FORGET, 1997). Or les formes latentes ne peuvent être détectées que lorsque les PPO sont extraites à l'aide de détergents doux tels que le Triton X-114 (GOLDBECK et CAMMARATA, 1981 ; CHAZARRA et al., 1996). Selon ces mêmes auteurs, l'emploi de Triton X-100 et de sulfate d'ammonium activerait le plus souvent les PPO latentes présentes dans les extraits d'où l'absence de mise en évidence. L'activation des PPO par le SDS peut paraître paradoxale lorsque l'on sait que ce détergent dénature généralement les protéines en modifiant leur structure tertiaire. D'après MARQUES et al (1995b) la résistance des PPO est vraisemblablement due au deux ponts disulfures présents dans la région N-terminale de l'enzyme mature (voir figure 3A). Selon MOORE et FLURKEY (1990), les interactions entre la PPO et le SDS modifieraient la conformation tridimensionnelle de l'enzyme et rendrait ainsi le site actif accessible aux substrats. VAN GELDER et al. (1997) et ONSA et al. (2000) supposent qu'in vivo, des molécules lipidiques seraient susceptibles de jouer le rôle d'activateurs des PPO selon un mécanisme proche de celui du SDS.

Dans le cas de la tyrosinase de champignon, près de 99 % de l'enzyme mature serait sous forme latente (VAN GELDER et al., 1997). En effet, l'activité tyrosinasique diminuerait au cours de la croissance du carpophore au profit de formes latentes (GOODENOUGH, 1978 ; INGEBRITSEN et al., 1989). La plupart des PPO de feuilles de végétaux supérieurs seraient également sous forme latente (FLURKEY, 1986), alors que peu de fruits renferment cette forme particulière de l'enzyme (FRAIGNIER et al., 1995). Des PPO latentes ont été détectées chez la mangue (ROBINSON et al., 1993), l'avocat (KAHN, 1977) et le raisin (SANCHEZ-FERRER et al., 1989). Plus récemment, des formes latentes ont été découvertes chez la laitue (CHAZARRA et al., 1996), la poire (GAUILLARD et RICHARD-FORGET, 1997) et dans les tubercules de pomme de terre (NOZUE et al., 1999).

Figure 5 : Structure de quelques composés phénoliques substrats de la polyphénoloxydase et de la tyrosinase

1.1.5. Spécificité des polyphénoloxydases et phénols substrats naturels.

De nombreux travaux ont été consacrés à la spécificité des PPO vis-à-vis des substrats phénoliques. La spécificité est évaluée selon deux paramètres cinétiques : la valeur de Km qui rend compte de l'affinité de l'enzyme pour le substrat et la vitesse maximale de catalyse Vm. La spécificité dépend de la structure de l'enzyme et des substrats, mais également des conditions expérimentales (WHITAKER, 1985 ; VAN GELDER et al., 1997).

La nature et la position des substituants sur les mono ou les o-diphénols sont déterminants pour la réactivité du substrat vis-à-vis de l'enzyme (ZAWISTOWSKY et al., 1991). Aussi JANOVITZ-KLAPP et al. (1989, 1990a et b) ont-ils montré que l'affinité de la PPO de pomme pour le substrat augmentait avec la présence d'une substitution acide carboxylique conjugué (acide caféique) ou non (acide o-dihydroxybenzoïque) sur le cycle aromatique (figure 5). Cependant, la diminution de la valeur de Km s'accompagne dans ces deux cas d'une forte baisse de la valeur de Vm. Lorsque la fonction acide carboxylique est estérifiée (cas de l'acide chlorogénique) ou éloignée du cycle par l'interposition d'une chaîne carbonée (cas de l'acide o-dihydroxyphénylacétique et o-dihydroxyphénylpropionique) les valeurs de Km et de Vm augmentent simultanément. Selon DUCKWORTH et COLEMAN (1970) la valeur de Km chute lorsque l'effet électro-attractif de la substitution en méta du noyau benzénique augmente.

L'affinité varie également selon la source enzymatique. Ainsi, les valeurs de Km apparent (obtenues lorsque les cinétiques sont réalisées à concentration constante en oxygène) vis-à-vis du 4-méthylcatéchol oscillent-elles de 0,5 à 20 mM selon qu'il s'agit de PPO de pomme (JANOVITZ-KLAPP et al., 1989), de salade (GOUPY et al., 1994 ; HEIMDAL et al., 1994), d'abricot (CHEVALIER et al., 1999) ou de tyrosinase de champignon (FAYAD-EL DAHOUK, 1998). En ce qui concerne la spécificité des PPO vis-à-vis de l'oxygène, les quelques travaux présentés indiquent des valeurs de Km comprises entre 0,025 mM pour la PPO d'abricot (de RIGAL et al., 2000), 0,1 mM pour la tyrosinase de champignon de Paris (ESPIN et al., 1999a) et 0,54 mM pour la pomme (JANOVITZ-KLAPP et al., 1990b). Ceci implique que, pour les solutions aqueuses saturées en air à 25°C, pour lesquelles la concentration en oxygène dissous est voisine de 0,25 mM (WISE et NAYLOR, 1985), seule la PPO d'abricot est saturée en oxygène puisque la teneur en oxygène est 10 fois supérieure à la valeur de Km.

La valeur de pH des milieux réactionnels influence également la spécificité des PPO de manière non négligeable. Ainsi, JANOVITZ-KLAPP (1989) a-t-il montré que les protons agissaient comme des inhibiteurs vis-à-vis de l'oxydation d'o-diphénols par la PPO de pomme. Cependant les études concernant l'influence du pH sont rares et la plupart des auteurs indiquent simplement un optimum d'activité PPO dans une gamme de pH donnée.

La nature et la teneur dans les fruits et légumes des phénols substrats des PPO varient selon l'espèce et la variété considérées. Dans le cas de la pomme, les composés phénoliques majeurs sont l'acide chlorogénique (dérivé d'acide hydroxycinnamique) et 2 isomères de flavan-3-ol ; la (+)-catéchine et la (-)-épicatéchine (NICOLAS et al., 1994 ; CLIFFORD, 1999). La teneur de chacun de ces deux composés peut varier de 5 à 650 mg pour 100 g de poids frais selon les variétés. La plupart des variétés d'abricots se caractérisent, selon DIJKSTRA et WALKER (1991), par une prédominance d'acide chlorogénique (jusqu'à 40 mg pour 100 g de matière sèche) ou encore de (+)-catéchine et de (-)-épicatéchine (RADI et al., 1997). Chez la scarole, deux dérivés d'acide hydroxycinnamique représentent, d'après GOUPY (1989) près de 70 % des phénols totaux : l'acide dicaféoyltartrique et l'acide 3-o-caféoylshikimique. La teneur de chacun de ces composés atteint 800 mg pour 100 g de matière sèche dans les limbes. Enfin, les phénols substrats endogènes majoritaires chez le champignon de Paris sont la tyrosine et le g-glutamyl-4-hydroxybenzène (VAN GELDER et al., 1997). ESPIN et al. (1999a) et BEAULIEU et al. (1999) rapportent également la présence, dans le champignon, de dérivés dihydroxylés de ces deux substrats à savoir la L-DOPA et le g-glutamyl-3,4-dihydroxybenzène.

Si les o-diphénols sont impliqués dans le brunissement enzymatique de pratiquement tous les fruits et légumes, la nature et la teneur des phénols endogènes non substrats est aussi déterminante dans l'intensité du brunissement. En effet, ces derniers peuvent participer aux réactions secondaires et plus précisément aux réactions d'oxydation couplées avec les quinones (FORGET-RICHARD, 1992). Ces phénomènes compliquent les travaux visant à établir une corrélation entre le pool phénolique total et l'aptitude au brunissement (VAMOS-VIGYAZO, 1981 ; AMIOT et al., 1992 ; NICOLAS et al., 1994).

1.1.6. Effet du pH sur l'activité polyphénoloxydasique.

La valeur de pH conduisant à une activité maximale dépend de l'origine de la PPO ainsi que du substrat employé. L'activité optimale se situe généralement dans une gamme de pH comprise entre 4 et 7. Ainsi, le pH optimal de la PPO d'abricot est-il de 4,4 lorsque le 4-méthylcatéchol est employé (CHEVALIER et al., 1999) et de 6,6 lors de l'oxydation de l'acide chlorogénique dans des conditions similaires (DIJKSTRA et WALKER, 1991). GOUPY et al. (1994) et FAYAD-EL DAHOUK (1998) déterminent des valeurs de pH optimal comprises entre 6 et 7 pour la PPO de scarole. L'activité maximale de la PPO de pomme est obtenue à pH 4,5 (FORGET-RICHARD, 1992). MARQUES et al. (1995b) ajoutent que le pH optimal de la PPO de pomme passe de 4,5 à 6 lorsque l'enzyme est activée en présence de SDS ou par protéolyse. Dans le cas de la tyrosinase de champignon de Paris, la valeur de pH optimal varie entre 6 et 7 selon le substrat (DUCKWORTH et COLEMAN, 1970 ; VAROQUAUX, 1978 ; ESPIN et al., 1999a).

1.1.7. Localisation tissulaire et subcellulaire des polyphénoloxydases.

L'activité PPO est généralement retrouvée dans tous les tissus végétaux, mais sa répartition varie selon les espèces et leur degré de maturité (NICOLAS et al., 1994 ; HEIMDAL et al., 1994 ; MURATA et al., 1997 ; MURATA, 1997). Chez la laitue, les PPO se retrouvent aussi bien dans les tissus photosynthétiques que dans les tissus vasculaires (HEIMDAL et al., 1994), alors que chez la plupart des fruits leur activité est détectée au niveau de la peau comme du cortex (MARQUES et al., 1995a). MURATA (1997) a montré par des études immuno-histochimiques associées aux mesures de couleurs que chez les pommes immatures, l'activité PPO était répartie régulièrement dans tout le fruit pour se retrouver au niveau de la pulpe et de la peau après la maturation. Chez le champignon, l'activité DOPA oxydase se concentre au niveau des lamelles, du pied et de la peau du carpophore (MOORE et al., 1988).

Les PPO sont généralement des enzymes associées à la membrane interne des chloroplastes et des études d'immuno-cytochimie ont montré qu'elles étaient orientées vers le lumen des thylachoïdes (VAUGHN et al., 1988 ; LAX et VAUGHN, 1991). Or ces enzymes sont exprimées à partir de gènes portés par l'ADN nucléaire. Toutefois, la présence de peptides de transit dans les précurseurs de PPO de nombreuses espèces viennent confirmer cette localisation particulière (SHAHAR et al., 1992 ; SOMMER et al., 1994, SOKOLENKO et al., 1995 ; CHEVALIER et al., 1999). Dans certains cas, l'activité PPO est extraite à partir des fractions mitochondriales comme dans la pomme (HAREL et al., 1965) et l'olive (SHOMER et al., 1979), ou associée à la paroi pectocellulosique dans le cas de la banane (JAYARAMAN et al., 1987). Mais ces localisations singulières restent à être confirmées par des techniques fines de cytolocalisation. Ainsi, il a été montré que la PPO des tubercules de pomme de terre était associée à la membrane des grains d'amidon (PARTINGTON et al., 1999).

De nombreux auteurs notent la présence de formes solubles de PPO qui semblent augmenter avec le taux de maturité du fruit (MARQUES et al., 1995a). En effet, la PPO d'olive immature est liée aux membranes chloroplastiques alors que dans le fruit mûr, presque toute l'activité est soluble, vraisemblablement libérée par la décompartimentation des plastes (BEN-SHALOM et al., 1977). Ce phénomène se retrouve aussi bien chez la pomme (MURATA et al., 1997) que chez le champignon (INGEBRIGTSEN et al., 1989) et se produit également au cours d'une blessure ou d'une attaque fongique (PARTINGTON et al., 1999). Aussi, les auteurs signalent-ils une fluctuation, pour les fruits et légumes, de l'activité polyphénoloxydasique au cours du temps, souvent associée à une augmentation du pourcentage de la forme soluble (MACHEIX, 1970 ; PRABHA et PATWARDHAN, 1986).

1.1.8. Rôle physiologique des polyphénoloxydases.

Le rôle physiologique des PPO demeure en grande partie obscur et donc très controversé (VAUGHN et al., 1988 ; MAYER et HAREL, 1991 ; WALKER et FERRAR, 1998). L'absence de PPO ne semble pas avoir d'effet sur la viabilité de certaines espèces végétales mutantes comme une lignée de pomme de terre transgénique (BACHEM et al., 1994) ou le raisin « Bruce's Sport » (WALKER et FERRAR, 1998).

Toutefois, de nombreuses hypothèses concernant le rôle physiologique des PPO sont proposées. Premièrement, son implication dans la résistance aux infections bactériennes, fongiques et virales paraît largement admise (MARTINEZ et WHITAKER, 1995). En effet, une augmentation de l'activité PPO est généralement observée suite à un stress (GENTILE et al., 1988), hausse vraisemblablement due à une maturation de formes latentes (ESPIN et al., 1999b) par les protéases des pathogènes plutôt qu'à une synthèse de novo (LEGER et al., 1997 ; CHEVALIER et al., 1999). L'initiation des réactions d'oxydation enzymatique des phénols conduirait à la mise en oeuvre de mécanismes de défense physiques et chimiques du végétal. MARBACH et MAYER (1975) et ZAWISTOWSKY et al. (1991) attribuent en effet à la PPO un rôle dans le renforcement des parois alors que PIERPOINT (1966) affirme que certains composés intermédiaires des réactions secondaires seraient capables d'inactiver ou de fixer certains virus et de limiter leur pouvoir infectieux. ZINKERNAGEL (1986) ajoute que les quinones produites ont un effet bactéricide et fongicide. KUWABARA et KATOH (1999) supposent un rôle de la PPO dans la facilitation de la mort cellulaire, après avoir mis en évidence une activité protéolytique catalysée par la PPO d'épinard.

En raison de leur participation dans les réactions d'hydroxylation, les PPO interviendraient directement dans les voies de biosynthèse de composés o-diphénoliques (RHODES et al., 1981). Cependant, la composition en o-diphénols ne semble pas liée à la présence ou à l'absence de PPO dans les tissus végétaux intacts, ce qui rend cette hypothèse fortement discutable (VAUGHN et al., 1988).

Enfin, la localisation spécifique des formes actives des PPO laisse supposer que cette enzyme intervient directement dans la photosynthèse (WALKER et FERRAR, 1998) ou dans la régulation du niveau d'oxygène actif au sein des chloroplastes (HO, 1999 ; KUWABARA et KATOH, 1999). LAX et VAUGHN (1991) ont d'ailleurs montré que la PPO était structuralement associée au photosystème II dans la plupart des végétaux supérieurs.

Notons que les différents rôles des laccases fongiques sont clairement établis. Celles-ci sont en effet excrétées et interviennent directement dans la dégradation de la lignine (FARNET et al., 1999 ; PERRY et al., 1999). D'autres auteurs ajoutent qu'elles interviennent dans la pigmentation et certaines phases de la morphogénèse des carpophores (ANDERSON et NICHOLSON, 1996 ; FERNANDEZ et al., 1999 ; ZHANG et al., 1999).

1.1.9. Purification de l'activité polyphénoloxydasique.

Les conditions d'extraction des PPO doivent permettre une solubilisation complète de la fraction enzymatique liée aux membranes tout en prévenant l'oxydation des polyphénols endogènes par la fraction enzymatique.

Les PPO de légumes comme le chou (FUJITA et al., 1995), la laitue (FUJITA et al., 1991 ; HEIMDAL et al., 1994), ou la patate douce (NOZUE et al., 1999) sont extraites par simple homogénéisation dans une solution de tampon exempte de détergent. De nombreux auteurs préconisent toutefois l'emploi d'un détergent non ionique doux, le Triton X-100, afin de pallier les problèmes de solubilisation (VALERO et al., 1988b ; GOUPY et al., 1994 ; FORGET-RICHARD, 1992 ; MURATA, 1997 ; WEEMAES et al., 1999b ; DE LOS ANGELES SERRADELL et al., 2000). Selon certains auteurs, l'extraction des formes natives de PPO ne peut être obtenue que par l'emploi de Triton X-114 (SANCHEZ-FERRER et al., 1994 ; ESPIN et al., 1995 ; CHAZARRA et al., 1996 ; SOJO et al., 1999 ; ESPIN et al., 2000). Ce détergent non ionique est caractérisé par une concentration micellaire critique et une valeur de la balance hydrophile/lipophile plus faible que celle du Triton X-100 ; il préserverait donc la structure native des protéines (SANCHEZ-FERRER et al., 1994).

D'autre part, l'oxydation de l'extrait conduit à la synthèse de quinones, laquelle serait susceptible d'induire une inactivation de l'enzyme. Les milieux d'extraction sont donc généralement additionnés de composés réducteurs comme l'acide ascorbique, la cystéine, le dithiothréitol ou d'adsorbants des phénols comme le polyvinylpolypyrrolidone (PVPP) ou le charbon actif (NICOLAS et al., 1994).

Classiquement, une précipitation fractionnée par le sulfate d'ammonium et des méthodes chromatographiques de séparation succèdent à l'extraction. L'efficacité de la chromatographie d'interactions hydrophobes et sa rapidité ont été démontrées par de nombreux auteurs (INGEBRIGTSEN et FLURKEY, 1988 ; RICHARD-FORGET et al., 1994 ; GOUPY et al., 1994 ; GAUILLARD et RICHARD-FORGET, 1997 ; CHEVALIER et al., 1999 ; JIANG et al., 1999 ; ESPIN et al., 2000). L'emploi de chromatographies d'échange d'ions est également préconisé (DUCKWORTH et COLEMAN, 1970 ; ZAWISTOWSKI et al., 1988b ; FUJITA et al., 1995 ; BILLAUD et al., 1996 ; MURATA, 1997 ; NOZUE et al., 1999). Dans de nombreux cas, les fractions issues de chromatographies d'hydrophobicité ou d'échange d'ions subissent une étape de dessalage par chromatographie d'exclusion (FUJITA et al., 1991 ; WICHERS et al., 1996 ; MURATA, 1997 ; ESPIN et al., 1995 ; ESPIN et al., 1997).

D'autres techniques chromatographiques plus spécifiques sont basées sur l'affinité de l'enzyme pour un ligand couplé au gel. Lorsque le ligand est un ion métallique, on parle de chélation alors que le terme d'affinité est employé lorsqu'un substrat, un inhibiteur ou un anti-corps est fixé couplé au gel. L'emploi de la chromatographie par chélation de métaux est proposé par ZAWISTOWSKI et al. (1987) pour la purification de la PPO de topinambour ; elle fut reprise par JANOVITZ-KLAPP (1989) et par RICHARD-FORGET et al. (1994) pour celle de la pomme, puis par YONG et al. (1990) pour la tyrosinase de champignon. La chromatographie d'affinité est depuis longtemps employée pour la purification de la tyrosinase de champignon (GOLAN-GOLDHIRSH et WHITAKER, 1984b ; INGEBRIGTSEN et FLURKEY, 1988). Cette méthode chromatographique paraît plus rarement employée pour la purification de PPO de végétaux supérieurs. Toutefois le couplage d'inhibiteurs compétitifs au gel de chromatographie a permis à RICHARD-FORGET et al. (1994) de séparer deux isoformes de PPO de pomme.

1.2. REACTIONS SECONDAIRES.

Ces réactions sont directement responsables de modifications de la couleur du matériel végétal. Les o-quinones présentent une coloration allant du jaune clair au rose qui dépend de leur structure chimique mais aussi du pH du milieu réactionnel (TAYLOR et CLYDESDALE, 1987). En outre les quinones sont fortement réactives et engendrent deux catégories de réactions non enzymatiques :

les réactions impliquant des phénols, résultant en la formation de dimères ou de copolymères parfois eux-mêmes substrats des PPO (ROUET-MAYER et al., 1990). Les o-quinones sont capables d'oxyder des structures phénoliques différentes (réactions d'oxydation couplée), conduisant à la régénération du phénol parental (FORGET-RICHARD, 1992).

les réactions impliquant les composés non phénoliques, à savoir les additions nucléophiles impliquant les thiols, les sulfites (CHEYNIER et al., 1986), les fonctions amines des acides aminés et des peptides (VALERO et al., 1988a), conduisant le plus souvent à la formation de composés incolores. Les oxydations couplées avec l'acide ascorbique conduisent à la génération d'acide déhydroascorbique et du phénol parental (NICOLAS et al., 1994).

Selon RICHARD-FORGET et al. (1999) et de RIGAL et al. (2000) des réactions secondaires se produisent également entre les o-quinones et certains caroténoïdes. Elles conduiraient à une régénération de l'o-diphénol et à une isomérisation du b-carotène.

2. PREVENTION DU BRUNISSEMENT.

Si le brunissement enzymatique est recherché au cours de transformations technologiques de certains produits tels que le thé, le cidre, les raisins secs, les pruneaux ou les dattes, il pose un problème important pour les fruits et légumes vendus frais ou destinés à la 4ème gamme. Les méthodes de prévention du brunissement ont fait l'objet de nombreux travaux qui se trouvent fortement relancés depuis près de 15 ans, en raison des problèmes toxicologiques posés par l'emploi des sulfites (TAYLOR et al., 1986). Dans ce chapitre, après un rappel succinct des généralités sur les traitements par les sulfites, nous réaliserons un inventaire des différents inhibiteurs chimiques cités dans la littérature avant de détailler plus particulièrement les méthodes faisant appel à l'emploi de préparations enzymatiques.

2.1. CAS DES SULFITES.

2.1.1. Efficacité des traitements.

Le sulfite et ses dérivés constituent le moyen le plus efficace et le moins onéreux de lutte contre le brunissement enzymatique. Ces composés agissent simultanément sur les PPO et sur les produits de la réaction d'oxydation catalysée par ces enzymes (MAC EVILY et al., 1992b ; WALKER, 1995 ; WALKER et FERRAR, 1998).

Les formes solubles des sulfites, à savoir les ions sulfite (SO32 -) et bisulfite (HSO3-), sont capables d'inactiver de manière irréversible les PPO de végétaux supérieurs ou d'origine fongique (GOLAN-GOLDHIRSH et WHITAKER, 1984a). L'inactivation de la PPO de poire et de la tyrosinase de champignon est totale au bout de 20 minutes pour des concentrations en sulfite de l'ordre de 1 mg.L-1 (SAYAVEDRA-SOTO et MONTGOMERY, 1986). Il s'avère en outre que l'inactivation est d'autant plus efficace que le pH des milieux d'incubation est plus faible. Les auteurs expliquent que cet effet est dû à une augmentation de la proportion d'ions bisulfites en milieu acide. Le mécanisme d'inactivation s'accompagne d'un changement de structure tertiaire et/ou d'ionisation de la PPO, vraisemblablement suite à la réduction de ponts disulfures (SAYAVEDRA-SOTO et MONTGOMERY, 1986).

La seconde série de mécanismes mis en jeu dans l'effet anti-brunissement des sulfites est leur complexation avec les quinones sous forme de produits d'addition stables et incolores (NICOLAS et al., 1994 ; WALKER et FERRAR, 1995 ; MARKAKIS et EMBS, 1996) et la réduction des quinones conduisant à la régénération des phénols parentaux (GOLAN-GOLDHIRSH et WHITAKER, 1984a ; FERRAR et WALKER, 1999).

En outre, les sulfites possèdent de nombreuses propriétés intéressantes en ce qui concerne la conservation des denrées alimentaires. Ils inhibent le brunissement non enzymatique en stabilisant les composés carbonylés (porteurs de groupements aldéhydes et cétones) créés au cours des réactions de Maillard et précurseurs des mélanoïdines (SAPERS, 1993 ; FRIEDMAN, 1996). Les sulfites inhibent également la croissance des microorganismes (TAYLOR et al., 1986 ; FERRAR et WALKER, 1999 ; LICHTER et al., 2000).

Toutes ces propriétés font de l'emploi des sulfites le traitement chimique anti-brunissement le plus répandu (IYENGAR et MAC EVILY, 1992; TAYLOR, 1993). L'oenologie est le premier domaine d'application dans lequel leur effet anti-microbien et leur capacité à stabiliser la couleur et la flaveur des vins sont exploités. Dans les filières fruits et légumes, ils sont utilisés comme moyen de prévention du brunissement des fruits et légumes secs (abricots, figues, haricots) ou frais, qu'ils soient entiers ou pelés et prédécoupés. Enfin, ces traitements sont largement employés de nos jours dans la conservation de fruits de mer. Ces produits sont en effet très sensibles au brunissement enzymatique nommé alors Black Spot. Les crevettes et autres crustacés sont généralement trempés immédiatement après la pêche dans une solution de bisulfite de sodium (OTWELL et al., 1992 ; TAYLOR et NORDLEE, 1993).

Les produits alimentaires sont donc traités par trempage dans des solutions (SAYAVEDRA-SOTO et MONTGOMERY, 1986) ou le plus souvent par vaporisation de sulfite (WALKER et FERRAR, 1995, MARTINEZ et WHITAKER, 1995 ; LICHTER et al., 2000).

2.1.2. Problèmes de toxicité et réglementation.

Jusqu'en 1986, la Food and Drug Administration (FDA) classait les sulfites dans les additifs alimentaires non toxiques (GRAS : Generally Recognized As Safe). Les commissions d'experts de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) déclaraient alors qu'un homme de 60 kg pouvait ingérer quotidiennement jusqu'à 42 mg de sulfites sans danger. Cependant, dès 1981, un nombre croissant de rapports montre que certains aliments traités provoquent des allergies chez certains sujets asthmatiques (TAYLOR, 1993). Les aliments traités aux sulfites contiennent du dioxyde de soufre (SO2). Ce gaz serait susceptible de provoquer une bronchoconstriction lorsqu'il est présent dans les aliments ingérés (TAYLOR et NORDLEE, 1993). D'autres effets tels que des chocs anaphylactiques, urticaires, nausées ou diarrhées ont été observés cliniquement chez certains sujets, mais les liens avec l'ingestion des aliments traités ne sont pas clairement établis (TAYLOR et NORDLEE, 1993 ; WALKER et FERRAR, 1995). En outre, des cas d'intoxication dus aux dégagements gazeux de dioxyde de soufre, au cours du traitement de crevettes, ont été relevés (OTWELL et al., 1992).

Dès 1986, la FDA prend une série de mesures visant à contrôler de plus en plus sévèrement l'utilisation des sulfites dans l'alimentation. Ainsi, depuis 1996, les traitements aux sulfites sont interdits sur les fruits et légumes servis ou vendus frais aux consommateurs. Ils restent autorisés sur divers produits comme les crevettes, les fruits et légumes secs et les vins. La présence de sulfites doit être déclarée sur l'étiquetage au delà de 10 ppm de dioxyde de soufre résiduel totaux, et ne doit pas dépasser 100 ppm (FDA, 1996 ; WALKER et FERRAR, 1998). En Europe, une directive de 1995 (95/2/EU) limite leur utilisation sur les pommes de terres pelées et/ou découpées. Un arrêté d'octobre 1997 a abaissé les quantités maximales de sulfites autorisées dans les crustacés, les fruits séchés et certains jus de fruits (DEHOVE et al., 1998). Quelques exemples de quantités maximales actuellement autorisées en Europe sont reportés dans le tableau 1. Les interdictions concernant les fruits et légumes frais sont en cours de discussion.

Tableau 1 : Quantités maximales de sulfites autorisées dans les denrées alimentaires, contenant fruits et/ou légumes (d'après DEHOVE et al., 1998).

Denrées alimentaires Quantité maximale

(mg.kg-1 ou mg.L-1) exprimée en SO2

Pommes de terre pelées 50

Pommes de terre transformées (y compris les pommes de terre congelées et surgelées) 100

Légumes blancs séchés 400

Légumes blancs transformés (y compris les légumes blancs congelés et surgelés) 50

Champignons transformés (y compris les champignons congelés) 50

Champignons séchés 100

Fruits séchés :

-abricots, pêches, raisins, prunes et figues

-bananes

-pommes et poires

-autres (y compris fruits à coque)

2000

1000

600

500

Jus d'orange, de pamplemousse, de pomme et d'ananas 50

Jus de limette et de citron 350

Autres concentrés à base de jus de fruits ou de fruits broyés 250

Cidre, poiré, boissons fermentées à base de fruits, pétillantes ou non 200

2.2. PRINCIPAUX INHIBITEURS CHIMIQUES DU BRUNISSEMENT ENZYMATIQUE.

La recherche de traitements chimiques pouvant se substituer aux sulfites s'est intensifiée au cours de ces dix dernières années. Elle a conduit à une meilleure compréhension des mécanismes d'actions de composés connus et/ou employés dans l'industrie agro-alimentaire ainsi qu'à la découverte de nouveaux composés ayant un effet anti-brunissement. Les inhibiteurs chimiques sont classés en trois groupes selon qu'ils affectent l'enzyme, les substrats ou les produits de la réaction.

2.2.1. Inhibiteurs agissant sur les substrats des polyphénoloxydases.

Certains inhibiteurs chimiques agissent en piégeant les substrats phénoliques. Parmi les produits de synthèse classiquement employés en oenologie ou dans la fabrication de jus de fruits se trouvent le polyvinylpolypyrrolidone (PVPP), le charbon actif et la bentonite (SIEBERT et LYNN, 1997 ; SPAGNA et al., 2000). L'élimination des phénols est réalisée en filtrant les boissons au travers de lits d'agents adsorbants. L'efficacité limitée de ces produits et des problèmes liés à leur régénération ont encouragé la recherche de nouveaux adjuvants naturels et non toxiques.

Les cyclodextrines constituent une première catégorie d'agents adsorbants des phénols d'origine naturelle. Ces dérivés de l'amidon sont des oligosaccharides cycliques de 6, 7 ou 8 unités glucopyranose selon qu'il s'agisse de l'a, b ou g-cyclodextrine. Leur forme cylindrique ménage une surface interne hydrophobe alors que la surface externe présente un caractère hydrophile (SZEJTLI, 1990). Leur cavité hydrophobe leur permet de former un complexe avec une large gamme de molécules organiques et notamment avec des phénols ayant un caractère hydrophobe fort. Ainsi, leur utilisation dans les jus de fruits et légumes a été brevetée par HICKS et al. dès 1990 et leur efficacité a-t-elle été montrée vis-à-vis de l'acide chlorogénique et des flavan-3-ols (FAYAD-EL DAHOUK, 1998). Cependant, les cyclodextrines n'ont aucun effet sur des phénols ayant un fort caractère hydrophile comme la dopamine, substrat naturel de la PPO de banane (SOJO et al., 1999). D'autre part, l'effet de la b-cyclodextrine dans un mélange de 2 substrats phénoliques se traduirait par un niveau variable d'inhibition voire une légère activation selon la composition du mélange (FAYAD-EL DAHOUK, 1998). De plus, leur efficacité sur les tranches de pomme, observée par de nombreux auteurs (SAPERS et HICKS, 1989 ; BILLAUD et al., 1995 ; FAYAD et al., 1997) est très controversée à cause de problèmes de diffusion de ces molécules de la surface des fruits vers l'intérieur (NICOLAS et al., 1994). En outre, leur faible spécificité pourrait selon certains auteurs, modifier les qualités organoleptiques des aliments traités (MAC EVILY et al., 1992b ; WALKER et FERRAR, 1995).

Les chitosans, polymères de N-acétylglucosamine dérivés de désacétylation de la chitine (N-acétyl-2-amino-2-déoxy-b-D-glucopyranoside), seraient également capables d'inhiber le brunissement enzymatique de jus de pommes, de poires (SAPERS, 1992) et des vins (SPAGNA et al., 2000). Ces polymères d'origine naturelle ont une forte affinité pour les flavanes, les proanthocyanidines et les acides hydroxycinnamiques (SPAGNA et al., 2000). D'autres polysacharides anioniques tels que les carraghénanes et les sulfates de xylane ou d'amylose peuvent inhiber le brunissement enzymatique de jus ou de tranches de pommes. Ils complexeraient les composés phénoliques, mais également les atomes de cuivre du site actif des PPO (TONG et HICKS, 1991). Ces derniers composés, extraits d'algues, entrent déjà dans la composition de nombreux produits alimentaires et cosmétiques, en tant qu'agents stabilisants.

2.2.2. Traitements chimiques agissant sur l'enzyme.

Les inhibiteurs chimiques agissant sur les PPO peuvent être classés en quatre grands groupes selon le mécanisme d'inhibition. Le premier groupe est constitué des composés chélateurs de métaux, le second des agents acidifiants, le troisième des composés agissant au niveau du site de fixation du substrat phénolique et le quatrième groupe enfin rassemble les composés agissant sur des sites différents du site de fixation du substrat phénolique.

Figure 6 : Structure de quelques composés chélateurs de métaux.

2.2.2.1 Composés chélateurs d'ions métalliques.

Ces composés forment des complexes avec les atomes de cuivre du centre actif des polyphénoloxydases. Des études de ces mécanismes par résonance paramagnétique électronique ont été réalisées dans le cas de l'inactivation de la tyrosinase par l'acide oxalique. Cette inactivation s'accompagne de l'arrachement d'un des deux atomes de cuivre de l'enzyme conduisant à une forme inactive nommée metapo, l'atome de cuivre encore fixé à l'enzyme restant sous forme oxydé. La forme metapo est alors capable de fixer spontanément un atome de cuivre présent dans le milieu, conduisant ainsi à la régénération de la forme native de l'enzyme et à la restitution de l'activité catalytique (YONG et al., 1990).

Parmi les composés chélateurs classiques inhibant les PPO (figure 6) se trouvent le 2-mercaptobenzothiazole (PALMER et ROBERTS, 1967), l'azoture et le cyanure de sodium (DUCKWORTH et COLEMAN, 1970 ; HEALEY et STROTHKAMP, 1981), le monoxyde de carbone (ALBISU et al., 1989), l'acide éthylènediamine tétracétique (SAPERS, 1993), l'homocystéine (REISH et al., 1995), la métallothionéine (GOETGHEBEUR et KERMASHA, 1996) et le diéthyldithiocarbamate (POMA et al., 1999). D'autres composés chélateurs ont une structure relativement proche de celle d'un phénol, ce qui leur confère une forte efficacité. C'est le cas de la tropolone (KAHN et ANDRAWIS, 1985), la mimosine (WINKLER et al., 1981 ; KAHN et ANDRAWIS, 1985), le kaempférol (KUBO et KINST-HORI, 1999b), l'acide paratoluique, l'acide salicyl hydroxamique (ALLAN et WALKER, 1988) ainsi que les acides kojique (KAHN et al., 1995 ; BATTAINI et al., 2000) et oxalique (TONG et al., 1995).

Parmi les agents chélateurs employés industriellement se trouve le Sporix, un polyphosphate acide de synthèse, fréquemment utilisé en mélange avec l'acide ascorbique (SAPERS, 1993). L'efficacité de cette préparation dépend fortement du pH de l'aliment traité (TAOUKIS et al., 1990). Les ions chlorure sont également capables de complexer les atomes de cuivre présents dans le site actif de la PPO (de POIX et al., 1980 ; JANOVITZ-KLAPP et al., 1990a ; WEEMAES et al., 1999a). Si le chlorure de sodium ou de calcium est fréquemment employé en combinaison avec l'acide ascorbique, son emploi est limité par les modifications des qualités gustatives qu'il entraîne (WALKER et FERRAR, 1995).

L'acide ascorbique, le peroxyde d'hydrogène, la phénylhydrazine, l'acide gallique, le ferrocyanure, de dithiothréitol, le glutathion et le NH2OH seraient capables de réduire les atomes de cuivre du site actif de la tyrosinase de champignon (ANDRAWIS et KAHN, 1990). Selon ces mêmes auteurs, les ions cuivreux (Cu+) ainsi formés resteraient associés à la PPO, même si leur affinité pour les résidus histidines de l'enzyme est fortement réduite. Ce phénomène conduit toutefois à une inactivation des activités polyphénoloxydasiques.

2.2.2.2 Agents acidifiants.

D'une manière générale, le pH optimal des PPO est compris entre 5 et 7 (MAC EVILY et al., 1992b). Un abaissement de la valeur de pH du milieu vers 3 ou 4 permet donc d'inhiber ces enzymes et même d'augmenter l'efficacité de nombreux inhibiteurs (JANOVITZ-KLAPP et al., 1990a ; CONRAD et al., 1994). L'acide citrique est l'agent acidifiant le plus couramment utilisé pour le traitement de fruits et légumes frais. Il est capable en outre de chélater le cuivre du site actif de l'enzyme (WALKER et FERRAR, 1998). Certains acides, organiques ou non tels l'acide malique, tartrique, malonique, phosphorique ou chlorhydrique peuvent également être employés (MAC CORD et KILARA, 1983 ; ZEMEL et al., 1990). Cependant, leur prix et leur effet sur la qualité gustative des aliments représentent leurs principaux inconvénients (WEEMAES et al., 1999a).

Figure 7 : Structure de quelques composés agissant au niveau du site actif des PPO.

2.2.2.3. Inhibiteurs agissant sur le site de fixation du substrat phénolique.

Dans ce groupe (figure 7) se trouvent les acides carboxyliques et plus particulièrement les acides benzoïques, cinnamiques et phénylalcanoïques. Ce sont le plus souvent des inhibiteurs compétitifs des PPO. Leur pouvoir inhibiteur tient à leur similitude structurale avec les phénols-substrats et à leur faible caractère oxydable (MAC EVILY et al., 1992b). Toutefois, le type d'inhibition observé peut varier selon le substrat ou la source enzymatique (JANOVITZ-KLAPP et al., 1990a ; MENON et al., 1990). Ces derniers auteurs ont également montré que la forme protonnée des acides étaient responsables de l'inhibition, après avoir observé que celle-ci était accentuée à pH acide. Généralement, les dérivés de l'acide cinnamique ont un pouvoir inhibiteur plus élevé que ceux des deux autres séries citées (SAPERS, 1993 ; KERMASHA et al., 1993).

L'action des composés résorcyliques, substitués en position 4, vis-à-vis du brunissement a fait l'objet d'un très grand nombre de travaux (MAC EVILY et al., 1992b ; TAYLOR et NORDLEE, 1993 ; MARTINEZ et WHITAKER, 1995 ; FAYAD-EL DAHOUK, 1998 ; SHIMIZU et al., 2000). Ces inhibiteurs naturels ont été identifiés par MAC EVILY et al. (1991) dans une préparation protéasique de figue appelée ficine. L'efficacité des composés résorcyliques est augmentée par la longueur de la chaîne carbonée substituée sur le cycle aromatique (MONSALVE-GONZALEZ et al., 1995). L'effet anti-brunissement d'un dérivé de synthèse, le 4-hexylrésorcinol, a été prouvé chez la crevette (OTWELL et al., 1992), la pomme (MONSALVE-GONZALEZ et al., 1993 et 1995 ; LUO et BARBOSA-CANOVAS, 1994), le champignon (DAWLEY et FLURKEY, 1993a et b), la pomme de terre (WHITAKER et LEE, 1995) et la laitue (CASTANER et al., 1996). Selon FAYAD-EL DAHOUK (1998) le 4-hexylrésorcinol est un inhibiteur compétitif de la PPO de pomme et il provoque également une dénaturation irréversible de l'enzyme au cours de laquelle il est consommé. Le 4-hexylrésorcinol ne présentant pas de toxicité, il entre dans la composition de produits de traitements (Everfresh) employés industriellement sur les crevettes (WALKER et FERRAR, 1995).

Citons également l'acide kojique, l'acide oxalique et la tropolone qui, outre leur pouvoir chélateur de métaux, sont des inhibiteurs compétitifs ou mixtes des PPO (KAHN et ANDRAWIS, 1985 ; KAHN et al., 1995 ; TONG et al., 1995).

2.2.2.4. Inhibiteurs agissant sur des sites autres que le site de fixation du substrat phénolique.

Ce groupe d'inhibiteurs non compétitifs est constitué principalement d'aldéhydes extraits de végétaux auxquels s'est intéressée, notamment, une équipe de chercheurs américains. Citons le cuminaldéhyde présent dans les graines de cumin (KUBO et KINST-HORI, 1998a), l'anisaldéhyde présent dans les graines d'anis (KUBO et KINST-HORI, 1998b), le 2-hydroxy-4-méthoxybenzaldéhyde extrait de racines de plantes médicinales (KUBO et KINST-HORI, 1998c) et les (2E)-alkenals (aldéhydes aliphatiques a,b-insaturés) issues de l'huile d'olive (KUBO et KINST-HORI, 1999a) dont les structures sont schématisées sur la figure 8. L'inhibition est due à l'attaque par le groupement aldéhyde d'amines primaires présents sur les chaînes latérales des PPO, conduisant à la formation d'une base de Schiff stable (figure 9). De plus, l'hexanal sous forme de gaz s'est montré très efficace contre le brunissement de tranches de pommes (LANCIOTTI et al., 1999). Outre son effet direct sur la PPO, l'hexanal est capable d'inhiber la croissance des microorganismes lorsque les pommes sont placées sous atmosphère contrôlée.

Figure 8 : Structure de quelques aldéhydes inhibant les PPO.

Figure 9 : Structure de la liaison formée entre le groupement aldéhyde d'un inhibiteur et un groupement aminé porté par l'enzyme.

2.2.3 Traitements chimiques agissant sur les produits de l'oxydation.

L'acide ascorbique (figure 10) et ses dérivés sont bien connus pour réduire les quinones et régénérer ainsi les phénols parentaux (VAROQUAUX et SARRIS, 1979 ; NICOLAS et al., 1994 ; WALKER et FERRAR, 1995 ; MARTINEZ et WHITAKER, 1995). Son faible coût et ses propriétés anti-oxydantes et anti-radicalaires en font un traitement alternatif de choix aux sulfites. L'acide ascorbique est employé contre le brunissement de la pomme, l'avocat, la poire, la banane et la pomme de terre, en combinaison avec l'acide citrique, le métabisulfite de sodium (0,05 %) et l'EDTA (ALMEIDA et NOGUEIRA, 1995), ainsi que les ions chlorures (de POIX et al., 1980) et le 4-hexylrésorcinol (MONSALVE-GONZALEZ et al., 1993). Cependant, son oxydation par les quinones en acide déhydroascorbique rend son effet anti-brunissement temporaire (VAROQUAUX et SARRIS, 1979 ; GOLAN-GOLDHIRSH et WHITAKER, 1984a et b). En outre, selon ESPIN et al. (2000), la PPO de poire présenterait une activité ascorbate oxydase en présence de SDS. Certains dérivés de l'acide ascorbique tels que l'acide ascorbique-2-phosphate , l'acide ascorbique triphosphate ou l'ascorbyl palmitate permettent de retarder plus longuement l'apparition du brunissement de tranches ou de jus de fruits que l'acide ascorbique lui-même (SAPERS et al., 1989 ; NICOLAS et al., 1994 ; WALKER et FERRAR, 1998). L'efficacité de ces dérivés tient essentiellement à leur caractère oxydable plus faible que l'acide ascorbique.

Figure 10 : Structure de quelques agents réducteurs ou piégeurs de quinones.

Les composés contenant des groupements sulfhydryl (figure 10) sont également reconnus pour leur effet anti-brunissement (SAPERS, 1993 ; NICOLAS et al., 1994 ; FRIEDMAN et BAUTISTA, 1995 ; FRIEDMAN, 1996 ; WALKER et FERRAR, 1998). La littérature rapporte principalement des données concernant l'effet d'un acide aminé soufré : la cystéine (FORGET-RICHARD, 1992 ; MAC EVILY et al., 1992b ; SAPERS, 1993 ; NICOLAS et al., 1994). Cet acide aminé piège les o-quinones sous forme de produits d'addition stables et incolores, lesquels sont des inhibiteurs compétitifs de la PPO de pomme (RICHARD et al., 1991). Cependant, ces composés d'addition peuvent également entrer dans des réactions d'oxydation couplées avec les o-quinones en excès conduisant, d'une part au phénol parental et d'autre part à la formation de produits fortement colorés. Selon NAPPI et VASS (1994), la cystéine inhiberait l'activité monophénolasique de la tyrosinase de champignon. La N-acétylcystéine est également considérée comme un excellent inhibiteur du brunissement des tranches de pommes et de pommes de terre (MOLNAR-PERL et FRIEDMAN, 1990a ; FRIEDMAN et BAUTISTA, 1995 ; BUTA et al., 1999) ainsi que des jus de fruits (MOLNAR-PERL et FRIEDMAN, 1990b).

2.3. INHIBITION DU BRUNISSEMENT PAR DES EXTRAITS D'ORIGINE NATURELLE.

Depuis peu, on note dans la littérature un nombre croissant de nouveaux inhibiteurs (figure 11) provenant de plantes médicinales les plus variées. Ainsi l'arbutine et l'hinokitiol (SAKUMA et al., 1999), la barbarine (5-phényl-2-oxazolidinethione) extraite de Barbarea orthocerus (SEO et al., 1999), l'acide gallique et ses dérivés alkylés extraits de plantes médicinales africaines (KUBO et al., 2000), des dérivés de flavonols et le resveratrol extraits de racines d'Artocarpus gomezianus (LIKHITWITAYAWUID et al., 2000) apparaissent comme des inhibiteurs compétitifs des tyrosinases. Certains microorganismes synthétisent également des inhibiteurs. Citons deux inhibiteurs compétitifs classiques d'origine fongique : l'acide fusarique et la 4-pentadécylpyridine (FUCHS et SPITELLER, 1997 ; FERRAR et WALKER, 1999) qui sont cependant toxiques. L'acide kojique secrété par différentes espèces d'Aspergillus et de Penicilium est également un inhibiteur compétitif des polyphénoloxydases et un agent réducteur de quinones (FUCHS et SPITELLER., 1997).

Figure 11 : Structure de quelques composés inhibiteurs présents dans des extraits naturels de végétaux.

Certains peptides naturels contenant un résidu cystéinyl sont également capables de piéger les quinones et d'inhiber très efficacement le brunissement. C'est le cas du dipeptide acide glutamique-cystéine, présent dans les préparations commerciales de papaïne (RICHARD-FORGET et al., 1998) et du glutathion, un tripeptide L-glutamyl-L-cystéinyl-glycine, présent notamment dans le raisin (GOLAN-GOLDHIRSH et WHITAKER, 1984a ; MOLNAR-PERL et FRIEDMAN, 1990a et b ; FRIEDMAN et BAUTISTA, 1995 ; JIANG et al., 1999).

OSZMIANSKI et LEE (1990) rapportent qu'un peptide de 600 Daltons contenu dans le miel serait capable d'inhiber fortement le brunissement enzymatique de tranches de pommes en agissant notamment comme un inhibiteur non compétitif faible de la PPO. Ce peptide piègerait également les quinones de la même manière que la cystéine. En outre, CHEN et al. (2000) attribuent l'efficacité anti-brunissement du miel à sa richesse en antioxydants tels que l'acide ascorbique, les flavonoïdes et l'a-tocophérol.

Le jus d'ananas est également reconnu pour son efficacité anti-brunissement (BENNION, 1990 ; LOZANO-DE-GONZALEZ et al., 1993). Outre la présence d'acide citrique et d'acide ascorbique, un ester d'acide organique soufré (l'acide 3-(méthylthio)propanoate de méthyle) serait directement responsable de cette efficacité (BENNION, 1990).

2.4. INHIBITION DU BRUNISSEMENT PAR DES PREPARATIONS ENZYMATIQUES.

Les préparations enzymatiques font, depuis longtemps, partie des additifs employés dans l'industrie agroalimentaire (REED et UNDERKOFLER, 1966 ; POULTER et CAYGILL, 1985). Aussi, l'emploi d'extraits enzymatiques d'origine végétale, fongique ou bactérienne apparaît comme une nouvelle alternative aux sulfites (LABUZA et al., 1990). Les enzymes ont l'avantage d'être d'origine naturelle, non toxiques, mais leur prix est généralement élevé, principalement lorsqu'un haut degré de pureté est requis.

2.4.1. Préparations de protéases.

Certaines préparations protéasiques sont reconnues pour avoir une efficacité anti-brunissement (LABUZA et al., 1990 ; TAOUKIS et al., 1990 ; MAC EVILY et al., 1992b). C'est le cas des préparations de ficine, la bromélaïne, l'actinidine et la papaïne ; toutes sont commercialisées (à l'exception de l'actinidine) et proviennent respectivement du latex de figue, de jus d'ananas, de jus de kiwi et de latex de papaye. Ces préparations contiennent des sulfhydryl protéases nommées de la même manière que la préparation qui les contient.

2.4.1.1. La ficine.

Cette préparation enzymatique inhibe aussi efficacement que les sulfites, dans certaines conditions expérimentales, le brunissement de crevettes et de pommes de terre pelées et tranchées (LABUZA et al., 1990 ; TAOUKIS et al., 1990 ; TAYLOR et NORDLEE, 1993 ; NICOLAS et al., 1994 ; MARTINEZ et WHITAKER, 1995). Très rapidement, MAC EVILY et al. (1992b) isolent les composés responsables de l'inhibition de la PPO à l'aide de techniques chromatographiques classiques puis les identifient par la technique de RMN du proton et du carbone associée à la spectrométrie infra-rouge. Ces auteurs démontrent alors que les agents inhibiteurs ne sont pas les protéases mais l'acide 2,4-dihydroxydihydrocinnamique (acide résorcilique) et deux de ses dérivés présents dans les préparations, à savoir la bis-(2,4-dihydroxydihydrocinnamoïl)-putrécine et la bis-(2,4-dihydroxydihydrocinnamoïl)-spermidine. Suite à ces résultats, de nombreux auteurs se sont intéressés à l'effet des analogues structuraux

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